THÉRAPIE FÉMINISTE
L’impact socio-politique sur la souffrance psychique
J’essaie d’intégrer dans mon approche, dans la plus juste mesure possible, les acquis de la psychologie féministe, encore très peu répandue en France. Cette approche est beaucoup plus développée dans les pays anglo-saxons et hispanophones.
La thérapie féministe ne désigne pas un courant spécifique, comme la psychanalyse par exemple, ni ne propose de techniques spécifiques, comme l’hypnose. Elle introduit les théories féministes dans la pratique du ou de la thérapeute, quelle qu’elle soit (psychanalyse, hypnothérapie, etc.).
Dans cet accompagnement, il s’agit de conscientiser et de déstabiliser les réalités sociales et notamment patriarcales, qui sont conçues comme l’une des causes principales de la détresse humaine. Pour les personnes discriminées, comme les femmes, les personnes racisées, LBGTQI… mais aussi pour les hommes cisgenres !
La thérapie féministe s’est d’abord intéressée à celles et ceux qui ont été (et sont encore) considéré·es comme « les autres » par la culture dominante. Ces « autres » sont toutes les personnes qui ne sont pas des hommes cisgenres blancs hétéro : les femmes, les personnes racisées, les LGBTQI+, intersexuées, non-binaires… même si elle est désormais pertinente, aussi, pour les hommes cis.
En thérapie féministe, le comportement ou la souffrance de la personne ne sont pas étiquetées ni pathologisées, c’est-à-dire perçues comme des troubles inhérents à la personne seule, mais envisagées comme des réponses de cette personne au fait d’être immergé·e dans une réalité patriarcale, globalement toxique, et plus largement dans des rapports de pouvoir. Or le genre est un rapport de pouvoir : il divise et hiérarchise. De même que la race, l’orientation sexuelle, la classe sociale, le handicap… Le stress, la souffrance psychique, le traumatisme, voire certains troubles somatiques sont plutôt vu·es comme des réponses logiques à un environnement stressant. Des réponses de résistance.
Le patriarcat est le système socio-culturel dans lequel nous vivons. Ce terme désigne une hiérarchie sociale qui privilégie systématiquement les caractéristiques et expériences associées au masculin, et dénigrent celles associées au féminin, quelque soit le sexe de la personne. La thérapie féministe considère que le système patriarcal est l’une des principales origines de la détresse humaine, y compris celle qui correspond à des catégories diagnostiques validées par les disciplines de la santé mentale, comme la dépression, les TCA, la bipolarité… Un féminisme intersectionnel sait que le genre et le patriarcat ne sont pas les seuls outils de discrimination aux origines de la souffrance dont la source est l’impuissance. Se croisent pour la personne la race, la religion, l’apparence physique, la situation face au handicap, la situation socio-économique, etc.
Les individus dans notre société sont en effet « colonisés » par les normes et croyances patriarcales = iels les intègrent inconsciemment et y adhèrent sans forcément les remettre en question tant elles sont imposées comme naturelles voire « normales ». Ces normes et croyances sont multiples : c’est par exemple le fait de considérer que la raison, perçue comme masculine, est plus importante que les émotions, associées au féminin. Une personne émotive est ainsi dévalorisée par rapport à une personne « raisonnable ». Un homme sensible ne correspond alors pas aux critères de masculinité : associé au féminin, il peut être rejeté, et souffrir de ce rejet.
Nous essayons donc de comprendre, en cabinet, comment le contexte social et ses normes et injonctions est une source de souffrance, et ce qu’il est possible de faire pour l’atténuer.
Ce travail de déconstruction consiste à démanteler l’histoire dominante, le récit dominant et ses normes ainsi que ses conclusions identitaires délétères, au sujet du genre, de la race, la classe, etc. Comprendre les récits dont on a hérité, au niveau familial, mais également au niveau plus large, social et culturel, non comme des vérités mais bien comme des constructions… qui peuvent donc être déconstruites et transformées afin de faire émerger des HISTOIRES ALTERNATIVES, des possibles, des manières d’être plus en adéquation avec soi, des récits dont nous sommes auteurices.
Il est donc important que, comme les personnes qu’iel accueille, la ou le thérapeute féministe fasse un travail de déconstruction continu sur lui ou elle-même. Car, comme tout le monde, iel est immergé·e dans cette société patriarcale, donc colonisé·e, biaisé·e. La majeure partie des thérapeutes, psy, médecins est biaisée par les normes patriarcales puisque le patriarcat constitue notre socle culturel et social ; nous baignons tous et toutes dedans et ces professionnel·les ne font pas miraculeusement exception.
Pour effectuer ce travail de production de récits alternatifs (sur soi-même, sur notre classe sociale, sur les personnes de notre genre et sexe, sur nos identités sexuelles, sur notre orientation sexuelle, sur notre groupe ethnique…), je m’appuie sur plusieurs approches. Ces approches ont toutes en commun de tourner le dos à l’approche médicale-psychiatrique, qui propose elle aussi un récit dominant : le diagnostic. Lequel sous-entend que le problème est dans l’individu, dans ses gênes, ou son cerveau, dans un déséquilibre chimique du cerveau. Par exemple, la dépression viendrait d’un manque de sérotonine (neurotransmetteur qu’on appelle « hormone du bonheur »). Bien entendu, le diagnostic peut être utile, faire sens pour la personne, et l’aider. Mais il ne peut être le seul récit mis à disposition, au risque de devenir une histoire unique racontée sur soi par d’autres.
Ces approches sont la logothérapie, quelques outils de la sociologie clinique, l’approche narrative, l’analyse transactionnelle, l’approche informée par le trauma (trauma-informed approach). Elles sont portées par le Power Threat Meaning Framework (qu’on peut traduire par le Modèle (ou Paradigme) Pouvoir Menace Sens), qui influence beaucoup ma conception de la détresse mentale, et donc mon travail en cabinet. Ce modèle (ou paradigme) de la santé mentale se veut une alternative radical au modèle diagnostique. Pour résumer son principe : la souffrance mentale n’est pas un problème de chimie dans le cerveau : la souffrance mentale est une réponse sensée à des menaces en lien avec le déséquilibre des pouvoirs dans nos vies.
Ceci concerne tout le monde – tous les hommes blancs ne sont pas privilégiés. Mais les personnes issues de groupes discriminés et oppressés (les femmes, les enfants, les personnes avec handicap, les LGBTQI+, les personnes racisées… sont plus susceptibles de déséquilibres de pouvoir, donc de menaces, donc de réponses à ces menaces, que le récit médical appelle : symptômes. Et sur lesquels il va poser un diagnostic possiblement stigmatisant.
En s’appuyant sur ce modèle, l’approche féministe de la thérapie que je propose vise donc à déconstruire aussi bien le récit patriarcal et son influence sur les personnes que le récit pathologisant dominant qui enferme dans la maladie et empêche de donner sens à nos vécus – ou, plutôt, lui donne un sens qui peut être limitant du fait de la stigmatisation qu’il génère. Elle vise aussi à redonner du pouvoir et du sens à ces vécus et souffrances.
La souffrance psychique est une réponse sensée à des menaces en lien avec le déséquilibre des pouvoirs dans nos vies.
Quelques ressources en français sur la thérapie féministe :
- Un Podcast à soi – numéro 52 : « Inventer une thérapie féministe »
- Podcast Les poissons sans bicyclettes : « Du sexisme et des psys »
- Une revue de presse disponible en cliquant ici
- Sur mon blog, je partage quelques réflexions sur la Thérapie féministe. J’y donne notamment accès à mon mémoire : « Politiser la thérapie par une pratique située féministe«
ESTELLE BAYON - THÉRAPEUTE
CABINET DE PSYCHOTHÉRAPIE
Nantes 44000
Visio
Numéro SIRET : 84777085600031
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